L'essentiel de notre analyse concernant le sort des bailleurs -
ou - "ne signez rien pour le moment"
Contexte des offres de reprise
Compte tenu de l'activité déficitaire de RESIDE ETUDES SENIORS qui a plongé la société en redressement judiciaire avec plan de cession, presque tous les candidats à la reprise ont vu les loyers comme des leviers rapides et faciles de rééquilibrage des comptes des résidences.
Pour la plupart, leur offre était donc conditionnée à des baisses de loyers avec des conditions de seuils d’acceptation différentes suivant les candidats.
Les conditions suspensives étant matériellement impossibles à lever par la signature d'avenants juridiquement engageants avec les 5 000 bailleurs, les administrateurs ont fait le choix de lancer des « sondages » auprès des bailleurs selon un système pour le moins imparfait :
Certains bailleurs n'ont pas reçu le mail de sondage,
Les candidats ont fait évoluer leurs offres pendant la durée du sondage, perturbant les choix,
Les bailleurs n'ont jamais été informés d'un éventuel caractère engageant de leur position, le mot « sondage » utilisé par les administrateurs étant défini par le Larousse comme une « enquête statistique dont le but est de connaître, à un moment donné, la manière dont se répartissent les opinions individuelles à propos d'une question donnée. ».
Les engagements nécessitent la signature des deux bailleurs en cas d’indivision (couples mariés par exemple).
Aussi n'a-t-on jamais vraiment su quelle était la portée de ces sondages, et c’est avec cette incertitude que les candidats se sont présentés à l’audience.
Le jugement écarte la liquidation et laisse des questions planer
Le jugement attribue toutes les résidences à un repreneur (sauf Aubergenville qui est cependant en discussion constructive vers une reprise hors plan).
A l’inverse des pronostics de certains, il n’y a pas de liquidation de résidences. Nous l’avions parié et nous avions découragé les bailleurs de se lancer financièrement dans des projets d’autogestion, censés pallier l’absence de repreneur.
C’est le duo STELLA / ZÉNITUDE qui a été choisi, compte tenu principalement (i) de leur accord de répartition permettant une reprise du plus grand périmètre de résidences et (ii) du financement avancé par chacun d’entre eux.
Les filialisations des résidences sont autorisées, à condition que les filiales soient détenues à 100% par le candidat ou son groupe, ce qui exclut radicalement les autogestions. Nous sommes étonnés de voir que les projets d’autogestion se poursuivent tout de même.
Identiquement, sont interdits pendant deux années : toute cession de résidences, d’actifs, tout licenciement économique, … une autre façon pour le tribunal de s’assurer que les candidats ne vont pas se défausser…
Les deux candidats choisis ne fonctionneront pas ensemble, ils se sont seulement réparti les résidences pour éviter des chevauchements d’offres indivisibles.
STELLA va fonctionner sur fonds propres, son périmètre est relativement restreint. Ses 22 résidences sont globalement bénéficiaires. Nous restons en veille mais nous ne sommes pas spécifiquement inquiets.
Pour ZÉNITUDE, les choses sont plus compliquées car le nombre de résidences reprises est important (53 résidences) et parmi elles, toutes les résidences déficitaires et les résidences en “ramp-up” (montée en puissance) où, parfois, les loyers sont supérieurs au chiffre d’affaires. Ce n’est pas nécessairement un cadeau pour un opérateur débutant dans l’activité sénior qui aura recours à la sous-traitance. Mais ZÉNITUDE a indiqué être financé pour cela.
Pour ce qui concerne en particulier le financement de Zénitude, le jugement relate l’échange intervenu lors de l’audience entre le président du Tribunal et les dirigeants de Zénitude :
« Prise d’acte au cours de l’audience :
1/ ZENITUDE a indiqué disposer au jour de l’audience de 6,9 m€ de trésorerie
2/ ZENITUDE a fait part d’un partenariat avec CHOICE HOTELS FRANCE qui lui permet de bénéficier d’une trésorerie de 10 m€ en 5 tranches, dont 4, représentant 7,5 m€, restant à encaisser, qu’il peut librement affecter au projet de reprise des résidences seniors de RES.
3/ ZENITUDE a par ailleurs indiqué que ses capitaux propres consolidés devraient être de 14 m€ après rectification d’erreurs comptables. » (pourtant les capitaux propres indiqués sont de - 3 327 965 euros dans la présentation de Zénitude - soit une erreur de 17m€ ? ).
Ceci sera vite vérifié puisque la reprise a eu lieu le 1er décembre, ce qui met donc à la charge des repreneurs le paiement des loyers du mois de décembre au titre du prorata du 4ème trimestre 2024.
La solidité du repreneur doit être testée vite pour ne pas aggraver la perte déjà) importante de loyers.
La question des sondages est problématique :
Le jugement se contente de transférer les baux commerciaux des appartements sans aucune référence aux sondages c’est-à-dire « aux charges et conditions énumérées au sein de chacun desdits contrats et de leurs éventuels avenants (excepté l’avenant conclu au cours de la période d’observation par la société RESIDE ETUDES SENIORS prévoyant une réduction de loyer tel que cela a été accepté par STELLA) ».
Il y a des bailleurs qui n’ont pas reçu de mail de sondage : aucune baisse de loyer ne peut leur être imposée ; ils n’ont d’ailleurs aucune obligation de signer un avenant ou un nouveau bail puisque leur bail est transmis en l’état (article L642-7 du Code de commerce).
Il y a des bailleurs qui ont reçu un mail de sondage et ont coché Non à la case ZÉNITUDE : de la même manière, il n’y a pas de discussion. Leur bail est transmis tel quel, sans baisse.
Il y a des bailleurs qui ont voté Oui à la case ZÉNITUDE. Il y a discussion autour de la valeur contraignante des sondages, mais notre interprétation est que leur bail est tout de même transmis tel quel, et c’est la position que nous défendons pour les bailleurs de notre collectif. Notre argumentation juridique sera détaillée ultérieurement avec eux.
Il y a des bailleurs indivis qui n’ont reçu qu’un seul mail de sondage : il faut l’accord de tous pour former un avenant donc, là encore, pas de discussion. Leur bail est transmis tel quel, sans baisse.
Si les avenants étaient contraignants, il y aurait alors deux classes de bailleurs :
La première classe de bailleurs : ceux qui n’auraient rien reçu, ou n’auraient pas voté, ou n’auraient rien coché, ou coché non, ou bien encore coché oui mais par un seul propriétaire sur les deux (ou plus) dans le cadre d’une indivision (80% des bailleurs selon notre estimation) : leurs loyers doivent être payés à taux plein.
Ceci devrait correspondre à la majorité des bailleurs de notre collectif à qui nous avions conseillé de cocher Non en face du nom de ZÉNITUDE en raison de son projet de se défausser de toute responsabilité vers des autogestions.
La seconde classe des bailleurs : ceux qui, désormais piégés, auraient coché oui (20% des bailleurs environ) : ceux-ci ne seraient payés que partiellement de leurs loyers (et pour les plus défavorablement traités, 12 mois de franchise en 2025, puis la moitié des loyers en 2026, et enfin une baisse de 30% après sans limitation).
ZENITUDE et ses avocats ne sont manifestement pas de cet avis. Une circulaire en réponse à notre analyse du jugement se veut presque intimidante à l’égard des 20% environ de bailleurs qui ont coché Oui à ZÉNITUDE lors du sondage. ZENITUDE indique ouvertement aux bailleurs qui non seulement ne signeraient pas les avenants qui leur seront demandés de signer, mais aussi saisirait la justice pour obtenir le paiement de leur loyer, que des demandes contre eux seront formulés en retour. Ces annonces sont aussi extravagantes dans leurs montants qu'elles sont juridiquement infondées. Il s'agit d'une intimidation qui illustre une méthode.
Notre cabinet ne peut se résoudre à ce traitement différencié.
Nous souhaitons que les deux candidats retenus démontrent leur capacité à assumer la reprise qu’ils ont demandée et à honorer la confiance qui leur a été accordée par le Tribunal, drainant au travers de cette reprise des milliers de séniors, de salariés et de bailleurs que nous nous attachons spécifiquement à protéger.
Nous souhaiterions vérifier l’adossement financier déclaré à la barre du Tribunal car il a été rappelé maintes fois que la reprise serait d’abord un coût et peut-être, après seulement, un profit.
Dans le respect des engagements, notre cabinet sera disposé à favoriser l’accompagnement de la reprise avec les deux candidats s’ils en font la demande auprès de nous et proposent des garanties et contreparties légitimes.
Mais avant cela, le premier test pour les bailleurs sera le paiement du loyer de décembre, qui, dans la majorité des baux, sera exigible le 31 décembre 2024.
Notre cabinet s’attachera à leur règlement pour les bailleurs qu’il représente, puis au règlement des loyers suivants.
Pour l’heure, notre conseil à l’ensemble des bailleurs, est de NE RIEN SIGNER, sauf à tomber une fois encore dans le même piège que lors de la sauvegarde, c’est à dire accorder, sans garantie, ni contrepartie, des sacrifices de loyers « pour la cause », qui s’avèreraient ultérieurement injustes et inutiles.
S’il est évident qu’un équilibre économique doit être trouvé dans chaque résidence, il faut qu’une véritable négociation ait lieu :
L’initiative doit être prise par le candidat lui-même, lequel ne peut éluder la présence des avocats des bailleurs concernés, sauf à risquer une remise en cause des documents signés par ruse ou par crainte ;
Il doit démontrer qu’il fera sa part d’efforts, en mobilisant ses financements avant de mobiliser les bailleurs ;
Il doit offrir des garanties afin que ces efforts ne soient pas vains ;
Il doit offrir des contreparties pour que l’accord soit “gagnant – gagnant.”
Nous rappelons enfin que le jugement interdit expressément le transfert des résidences à des SAS d’autogestion qui, plus que jamais, sont, selon nous, destinées principalement à dégager ZÉNITUDE du poids financier de la reprise.